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– Mais qu’est-ce qui a bien pu me passer par la tête quand Ulaha s’est mise à attaquer ? demanda Jacen. (En dépit de sa colère, il parla le plus bas possible, pour éviter de déranger Ulaha et les quatre Jedi – plongés en pleine transe curative – qui reposaient dans des cosses couchettes Yuuzhan Vong.) J’ai cru qu’Anakin lui avait ordonné de… D’ailleurs, je ne suis pas le seul à avoir pensé cela !
– Effectivement, acquiesça Tenel Ka. (Elle était assise, recroquevillée dans la cosse, tout contre lui. Son épaule était appuyée sur celle de Jacen de façon plus que confortable. Ils avaient gardé leurs sabres laser à portée de main. Le voxyn cavalait toujours en liberté dans les canalisations du vaisseau. Autant ne prendre aucun risque.) Mais tu es son frère. Ce qui peut passer pour une erreur aux yeux des autres devient une remise en cause pour toi. Et puis, le fait que tu aies douté des conseils de Lando ne t’aide pas.
– Les joueurs et les espions sont bien placés pour se passer de morale, répondit Jacen. Ce n’est pas le cas des Jedi. C’est trop facile. Nos pouvoirs nous conduisent vers un destin funeste et nous ne sommes pas les seuls à en souffrir lorsque le pire se produit.
– Toujours exact, dit Tenel Ka. Jacen, est-ce que tu te rappelles mon premier sabre laser ?
– Comment pourrais-je oublier ? répondit le jeune homme, se demandant dans quelle direction allait la conversation. (Tenel Ka avait commis l’erreur de construire son sabre laser trop précipitamment. Un cristal de mauvaise qualité avait causé la détérioration de l’arme pendant un entraînement au duel contre Jacen. La lame du jeune homme avait tailladé le bras gauche de son adversaire. Une première leçon bien douloureuse pour ceux qui devaient supporter le poids d’être habité par un immense pouvoir.) Pendant très longtemps, je me suis senti responsable de cet accident. Je m’en sens toujours responsable, d’ailleurs, mais en partie seulement. Mais je ne vois pas le rapport que cela peut avoir avec Anakin et moi.
– Cet accident n’était pas de ta faute, mais de la mienne, dit Tenel Ka, se frappant la poitrine pour bien insister sur ce point. Ce que je prenais pour de la confiance en mes aptitudes au combat était en fait de l’arrogance. Et c’est pourquoi j’ai construit un sabre laser qui s’est révélé défectueux.
– De l’arrogance… répéta Jacen. (Il avait beau essayer, il ne voyait toujours pas comment son erreur ressemblait à celle de Tenel Ka.) Et ?
– Tu crois que tu es le seul Jedi parmi nous à comprendre les dangers du Côté Obscur ?
– Bien sûr que non. La plupart d’entre nous ont eu des problèmes avec l’Académie des Ombres. Et puis Zekk est même… (Jacen laissa sa phrase en suspens, comprenant où Tenel Ka voulait en venir. Anakin connaissait les dangers du Côté Obscur au moins aussi bien que tous les autres. Le croire capable d’ordonner à Ulaha d’attaquer ainsi, c’était douter de son jugement. Voire plus. C’était douter de l’essence même de son caractère. Jacen secoua la tête, soudain rongé par la culpabilité et le regret.) C’était une erreur. Une grave erreur.
– Effectivement. (Tenel Ka lui administra un gentil coup d’épaule.) Pas la peine de bouder. Tu me plairas toujours comme tu es.
Jacen sentit un vide se creuser au fond de son estomac.
– Tu crois qu’il est très en colère ?
Tenel Ka leva les yeux au ciel, puis s’empara d’une canette de lotion au Bacta. Elle s’extirpa de la couchette cosse pour aller inspecter ses camarades blessés.
– Je plaisantais, Jacen…
– Ah ! dit celui-ci, saisissant son sabre laser et la suivant de près. Je crois que tu as encore beaucoup à apprendre en matière de plaisanterie.
Elle le regarda par-dessus son épaule.
– En fait, je l’ai trouvée plutôt bonne, pas toi ? (Elle s’approcha d’Ulaha, qui respirait difficilement, même en pleine transe curative, et souleva sa couverture.) Fais-lui confiance pour te pardonner, Jacen, et les choses rentreront dans l’ordre.
Elle passa de la lotion sur les blessures d’Ulaha. Ce n’était pas aussi efficace qu’une immersion dans une cuve, mais c’était le maximum qu’ils pouvaient faire pour elle.
Sur le pont inférieur, un cerveau de ciblage Yuuzhan Vong était ouvert sur une table de la salle de garde. Du liquide nutritif dans lequel il baignait montait une puanteur d’algues pourries. Niché au creux d’une coquille à peine plus grosse qu’un poing humain, l’organe était un véritable enchevêtrement de filaments et de nodules emprisonnés dans la masse gélatineuse d’une conque neurologique. Jaina trouvait que la structure de l’ordinateur biologique était des plus stupéfiantes. Lowbacca, lui, était absorbé par la dissection de la chose, se servant d’un petit nécessaire d’outils en acier stérilisé, coupant ici, poussant là, émettant un grognement de satisfaction à chaque fois qu’il découvrait de nouvelles connexions. Enfin, il inséra un nodule entre deux filaments de longueur égale, puis gronda de joie en voyant le globe oculaire pédoncule, qui pendait jusqu’alors sur le devant de l’étrange ordinateur, se redresser et se braquer sur Jaina.
Lowbacca gronda une question. M-TD, récemment récupéré dans la capsule d’équipement, traduisit :
– Maître Lowbacca vous demande d’avoir l’obligeance de faire le tour de la table.
Jaina, qui comprenait bien le langage Wookiee, savait parfaitement que Lowbacca ne s’était pas exprimé de façon aussi éloquente. Elle s’exécuta. L’œil suivit sa progression en pivotant sur son pédoncule et en se servant d’une sorte de tige de contrôle, poussant de l’arrière de la conque, pour faire pivoter le cerveau de ciblage en même temps que lui.
– Lowie, je crois que tu devrais consulter, dit Jaina en riant. Tu es vraiment un grand malade !
Lowbacca gronda d’un rire bien à lui, puis rapprocha la conque à l’aide de ses grosses mains poilues. Il glissa deux électrodes en forme d’aiguillons à l’intérieur. Détournant les yeux du cerveau de ciblage, Jaina aperçut Zekk qui attendait avec, en main, le piège photonique habituellement monté sur les systèmes de capteurs de leur capsule d’équipement.
– Il ne restait plus beaucoup de film détecteur dans le kit à droïde, dit-il. Peut-être qu’on pourrait prendre une feuille réactive de ce truc et la couper en bandes minces.
– Ça vaut le coup d’essayer.
Jaina traversa la salle de garde jusqu’à l’endroit où était installé 2-1S, occupé silencieusement à réparer son armure de laminanium tout en procédant à une vérification de ses systèmes internes. Depuis qu’ils s’étaient réveillés de leur transe curative, Jaina, Zekk et Lowbacca avaient travaillé sans discontinuer pour aider le droïde de guerre à se réparer. Mais 2-1S avait toujours l’air de s’être trouvé du mauvais côté d’un turbolaser. Ils avaient remplacé ses photorécepteurs abîmés avec une paire de rechange qui se trouvait dans le nécessaire de réparation fourni par Lando. Mais plusieurs scarabées paralysants avaient réussi à pénétrer profondément le blindage de son crâne, détruisant circuits imprimés et modules de détection au-delà de toute réparation possible. Heureusement, Zekk – qui avait passé une bonne partie de sa vie à travailler comme ferrailleur dans les sous-sols mal famés de Coruscant – était doué d’un réel talent, épaulé par la Force, pour dénicher du matériel. Jusqu’à présent, il avait récupéré des pièces capables de se substituer aux senseurs à infrarouges et à ultrasons et, apparemment, de quoi remplacer les analyseurs gamma du droïde.
Jaina prit la fine pellicule de film sensible du piège photonique et se dirigea vers 2-1S.
– Qu’est-ce que tu penses de ça pour ton système gamma ?
CYV 2-1S posa ses photorécepteurs sur le film.
– Affirmatif, crachota-t-il. (Sa voix, chargée de parasites, était devenue une version presque spectrale de celle de Lando, mais, pour l’équipe, c’était le cadet de leurs soucis.) Doublez l’épaisseur.
– Et Zekk marque un autre point ! dit Jaina. (Elle pivota sur ses talons et se retrouva nez à nez avec l’intéressé, regardant directement dans ses yeux aux multiples nuances de vert. Un sentiment bien plus profond que l’amitié émanait de la façon dont il soutint le regard de la jeune femme. Jaina attendit un moment, espérant que Zekk détournerait les yeux. Comme cela ne se produisait pas, elle lui tendit la pellicule sensible.) Tiens-moi cela pendant que vais chercher de quoi le couper.
Ayant remarqué la déception qui venait d’obscurcir le visage de Zekk, Jaina fit bien attention de conserver une expression aussi neutre que possible en allant chercher le lasicutter. Sa réaction ne venait pas du fait qu’elle n’éprouvait aucun sentiment pour Zekk. Quelques années auparavant, elle avait d’ailleurs eu du mal à détacher ses pensées de lui. Mais, avec le temps, ses sentiments avaient évolué, passant du béguin à quelque chose ressemblant de façon étonnante à ce qu’elle éprouvait pour ses propres frères. C’était de l’amour, assurément, mais pas de l’amour physique. Rien à voir avec ce qu’elle avait ressenti à bord du Tafanda Bay lorsque Jag Fel, ignorant Borsk Fey’lya et son entourage, avait insisté pour venir se présenter à elle.
A cette époque, la tête lui avait tourné, mais elle n’était alors qu’une gamine écervelée. Elle n’avait aucune idée aujourd’hui de l’endroit où ce Jag Fel pouvait bien se terrer, quelque part dans cette galaxie. Elle ne savait pas, non plus, si elle aurait la chance de le revoir un jour. Si elle espérait éprouver à nouveau le choc émotionnel qu’elle avait ressenti à ce moment, elle aurait largement dépassé l’âge de Mara avant de…
– Jaina ? demanda Zekk en agitant le morceau de film sensible sous le nez de la jeune femme. Tu vas le couper ou pas ?
– Oui, oui, bien sûr, dit-elle, détournant la tête pour ne pas montrer qu’elle rougissait. Il faut que je prenne les mesures. Qu’est-ce que j’ai fait de l’hydropince ?
A quelques mètres de là, rampant dans les eaux noirâtres des conduits d’évacuation de la Mort Exquise, Tesar Sebatyne entendit le sifflement caractéristique d’une large créature essayant de reprendre son souffle. Il leva immédiatement son bouclier improvisé de duracier et se servit de la Force pour le repousser dans l’étroite canalisation. Il y eut un bruit étouffé d’éructation et un crépitement aigu lorsque l’acide atteignit le bouclier, puis un claquement sonore lorsque le panneau de duracier heurta la tête du voxyn.
Poussant un ricanement grinçant, Tesar invoqua la Force pour repousser le bouclier et le monstre un peu plus loin dans le conduit. Lorsque la créature gronda et tenta de glisser son groin par l’une des brûlures à l’acide pratiquées dans le panneau, Tesar leva son pistolet blaster et tira un simple rayon. Le museau de la bête explosa, envoyant alentour des flots de sang noir et remplissant la canalisation de vapeurs toxiques. Tesar siffla sous son masque respirateur et ouvrit à nouveau le feu.
Le voxyn hurla et, après avoir tenté de forcer à nouveau le bouclier improvisé, battit en retraite dans la canalisation. Tesar matérialisa l’image de la bête dans son esprit et la projeta vers ses compagnes de portée, insistant sur les mouvements et les caractéristiques physiques de l’animal.
Quelques instants plus tard, Bêla lui répondit en lui envoyant l’image du scintillement corporel du monstre. Comme la plupart des Barabel, elle était capable de discerner les choses dans le spectre de l’infrarouge et pouvait pourchasser une proie en se fiant à la seule chaleur qu’elle émettait. Elle projeta une sensation de danger imminent. Tesar comprit qu’il lui fallait dégager rapidement. Il recula de deux mètres et se glissa dans une canalisation secondaire.
Il compta trois lents battements de cœur reptilien avant qu’une série de détonations sourdes ne résonnent à travers les parois de corail yorik. Le conduit s’illumina sous l’action des canons portatifs de ses compagnes de portée, disposés à angle droit à l’intersection suivante. Tesar fut obligé de fermer les yeux. Le cri strident du voxyn trancha l’air humide comme la lame d’un sabre laser, puis baissa d’un ton et commença à fluctuer.
Tesar se demanda si elles avaient raté leur coup. Comment était-ce possible ?
Le sentiment d’irritation projeté vers lui par ses congénères lui signala qu’il n’en était rien. A travers ses protections d’oreilles, il détecta, tout près de lui, un changement brusque d’intensité dans le cri du voxyn. Il aplatit les mains sur ses conduits auditifs pour lutter contre l’impact particulièrement déstabilisant de l’onde de compression sonore. Il ressentit alors une profonde et violente vibration au creux de son estomac, mais partagea également l’excitation de ses compagnes de portée, toujours occupées à larder leur proie de rayons mortels. Par son sang froid de reptile, comme il aimait chasser en leur compagnie !
Finalement, les canons miniatures se turent et Tesar sentit ses protections auditives se rouvrir. Il glissa sa langue sous son masque respirateur et sentit, à travers les filtres, une odeur d’ozone et de corail yorik carbonisé. Il sentit également une odeur cuivrée d’antiseptique qu’il reconnut immédiatement comme celui qu’on utilisait pour anéantir les effets toxiques du sang du voxyn.
Mentalement, il projeta une question vers ses deux sœurs. La réponse qu’il reçut fut des plus vagues. Même si Tesar ne pouvait pas exactement percevoir les actions de ses compagnes de portée dans la Force, il sut d’instinct – parce qu’il avait vécu toute sa vie à leurs côtés – qu’elles finiraient par allumer un bâtonnet lumineux afin de confirmer les informations que leur donnait leur vision infrarouge. Une image d’écaillés fumantes lui vint à l’esprit, puis il aperçut une patte de voxyn déchiquetée par les blasters.
Soudain, la voix d’Anakin s’éleva dans son comlink :
– Tesar ? Qu’est-ce qui se passe ?
Un claquement de mâchoires retentit près de l’embouchure de la canalisation. Tesar se raidit. Il remonta une main le long de sa poitrine pour saisir le comlink accroché à son cou, tout en commençant à ramper en marche arrière dans le conduit. La progression fut lente car le canal secondaire était à peine plus large que les épaules de Tesar. De plus, le Barabel rampait en sens contraire de ses propres écailles : en dépit de l’épaisse combinaison intégrale, les murs rugueux ne cessaient d’en accrocher les pointes, ce qui rendait le mouvement particulièrement difficile.
Le tête du voxyn apparut à l’angle du conduit, une silhouette chauffée à blanc dans le spectre des infrarouges, à moins de deux mètres devant lui.
– Tesar ? demanda Anakin. Comment ça se passe, de ton côté ?
Tesar ouvrit le feu sur le voxyn et vit ses rayons ricocher contre sa carapace. Bon sang, qu’il aurait aimé être paré d’écaillés aussi solides ! Le créature se rétracta et sa tête disparut derrière l’angle de la paroi. Des volutes rosâtres de condensation, se propageant à l’embouchure de la conduite, révélèrent que son museau n’était pas très loin.
Tesar parvint enfin à se saisir de son comlink.
– Tu nous as demandés de nous occuper du voxyn, non ?
– Et ?
– Et d’appeler à l’aide si… (Les nuées roses disparurent.) Heu… Continue de me parler, tu veux ?
Il arracha son comlink et le lança au loin dans la canalisation. La voix distante d’Anakin continuait de demander au Barabel des explications sur ce qui était en train de se produire. Soudain, un museau déchiqueté apparut à l’embouchure et noya le petit instrument de communication sous une douche acide peu puissante. Tesar s’arrêta de bouger et, utilisant la Force pour projeter sa voix le plus loin dans la conduite, cria aussi fort que possible.
Il reçut immédiatement une approbation de la part de Krasov et, par son intermédiaire, perçut la panique d’Anakin. Il devait toujours être à l’autre bout du comlink, à supplier Tesar de lui exposer la situation.
Ce qui amusait beaucoup Bêla car Tesar la sentit ricaner. Il comprit, sans avoir besoin de regarder, qu’elle était en train de ramper dans la canalisation principale, sabre laser au poing, juste derrière le voxyn. Krasov était en train de la suivre, pointant le canon de son puissant blaster T-21 à répétition au-dessus de l’épaule de sa sœur. Le voxyn se traîna devant l’ouverture de la conduite secondaire, se servant de ses griffes pour s’accrocher aux parois de corail yorik. Tesar ne vit pas les blessures de la créature dans le spectre infrarouge, mais le monstre se déplaçait très lentement et avec une grande lassitude. Il marqua une pause devant le petit cratère causé dans le sol par son précédent jet d’acide. Puis, ne découvrant pas la victime escomptée, releva la tête et regarda dans la petite canalisation.
Tesar reprit son chemin en marche arrière, décochant des rayons laser vers la tête de l’animal. Bon nombre d’entre eux rebondirent, mais certains percèrent cependant son épaisse carapace. Sans grand effet, pourtant. Ne perdant pas de temps à lancer une autre de ses attaques soniques, le voxyn s’engagea dans la conduite, ses pattes blessées le tirant en avant plus vite que le Barabel ne pouvait battre en retraite. Pour la toute première fois, les écailles de Tesar se hérissèrent sous l’action de la peur. Son adversaire avait apparemment appris de ses erreurs passées.
Là, j’ai un problème, songea-t-il.
Il perçut l’inquiétude de ses compagnes de portée et les entendit faire du bruit dans la canalisation principale afin d’attirer l’attention du voxyn. Trop finaude pour succomber à une telle ruse, la chose parvint jusqu’à environ un mètre de Tesar et éructa. Ses réserves d’acide devaient être épuisées, ou ses canaux de sécrétion bouchés, car rien ne vint. Tesar tira à bout portant et sentit monter une odeur de chair brûlée.
Le voxyn essaya de bondir en avant et sa gueule se referma sur le canon du blaster Merr-Sonn du Barabel. Celui-ci pressa la détente et poussa un grondement de douleur. Les systèmes de sécurité de l’arme avaient détecté que le canon était bouché et enclenchèrent l’interruption d’urgence de la cellule énergétique. Abandonnant le blaster dans la gueule du voxyn, Tesar rampa de plus belle, pressant son dos contre le plafond du conduit dans l’espoir futile de libérer sa main pour atteindre son sabre laser.
La lame blanche de Bêla s’activa quelque part derrière le voxyn, mais la silhouette de la créature obstruait complètement le conduit et seuls quelques épars rayons lumineux parvinrent à passer. La bête bondit. Tesar sauva son masque respirateur grâce à un bref mouvement de recul, puis il lança ses mains devant lui et ses griffes déchirèrent le groin blessé du monstre.
Le voxyn continua de ramper, faisant claquer sa mâchoire en direction des mains qui le muselaient. Appuyant sa tête contre la paroi, Tesar laissa filer un sentiment de triomphe vers ses compagnes de portée.
Une patte puissante se déploya vers lui, des griffes enduites de poison s’agrippèrent au tissage de molytex de la combinaison de Tesar, manquant presque de la transpercer. A son sentiment de triomphe, le Barabel ajouta aussitôt celui d’urgence.
Le bourdonnement de la lame de Bêla se fit plus précis, puis fut soudainement englouti dans le claquement sec d’une explosion de détonite. Un poids inattendu pesa brusquement sur le dos de Tesar et la canalisation fut alors illuminée de la nuée verte des lichens bioluminescents qui éclairaient les coursives intérieures de la Mort Exquise. Tesar jeta un coup d’œil à la masse de chair carbonisée et de crocs cassés qui servait encore de gueule au voxyn. Puis il se sentit soudain s’élever à travers la paroi supérieure de la canalisation. Quelqu’un, par le truchement de la lévitation, était en train de l’attirer vers la cabine qui se trouvait juste au-dessus de lui.
Le voxyn criblé d’impacts de blaster passa entre ses jambes. Des parties entières de son corps avaient disparu et les moignons de ses quatre pattes postérieures traînaient, inertes, à sa suite.
– Espèce de crâne de bantha ! Il s’échappe ! jura Tesar en relevant la tête. (Il découvrit les grands yeux bleus de Ganner Rhysode, l’un des plus grands et des plus séduisants Jedi humains qu’il ait jamais rencontrés.) Maintenant il va être deux fois plus difficile à tuer !
– La chasse est terminée, mon cher camarade à écailles, dit Ganner, déposant doucement Tesar dans la coursive avant de se pencher par l’ouverture. Sortez par ici, les filles. Anakin nous attend sur le pont.
Dans la cabine voisine, Raynar Thul se réveilla de sa transe curative. Face à lui, il découvrit le dos nu d’Eryl. Elle venait de se relever et était en train de s’étirer au bord de la couchette se trouvant de l’autre côté de l’étroit passage ouvert entre les deux cosses. Sa peau était laiteuse, couverte de taches de rousseur. On n’y devinait que les vagues traces de brûlures à l’acide et de griffures auxquels ils étaient tous habitués depuis qu’ils s’étaient lancés à la poursuite des voxyns. Alors que certains étaient encore plongés dans leurs transes et que d’autres essayaient de comprendre comment le vaisseau ennemi fonctionnait, Eryl et Raynar avaient passé beaucoup de temps ensemble, à discuter et à se passer de la lotion au Bacta sur leurs blessures respectives. Il avait le souvenir lointain d’un long et délicieux baiser, juste avant qu’ils ne s’écroulent tous deux dans leurs couchettes. Le souvenir était si imprécis que Raynar se demanda si ce n’était pas qu’un rêve.
Eryl baissa les bras et, regardant par-dessus son épaule, découvrit qu’il était en train de l’observer. Au lieu de se couvrir, elle se contenta de sourire et de lui demander :
– De quoi j’ai l’air ?
Raynar, bouche bée, serra précipitamment la mâchoire et fit claquer ses dents.
– Heu, bien… finit-il par balbutier. (Peut-être que ce baiser n’était pas qu’un rêve, après tout.) Non, en fait tu es superbe…
Eryl fronça les sourcils et se tordit le cou pour essayer de regarder son dos. Puis elle éclata de rire et, toujours sans se couvrir, enchaîna :
– Je te parlais de mes blessures, mon petit bonhomme. Tu crois que ça cicatrise ?
– Oh, heu, oui, dit Raynar, qui aurait donné beaucoup pour disparaître de nouveau dans la couchette et replonger dans sa transe curative. C’est ce que je voulais dire.
Eryl lui adressa un regard dubitatif.
– C’est cela, oui… (Elle s’empara de sa combinaison.) Mais c’est pas grave. Après toutes ces séances d’application de lotion au Bacta, je crois que les anatomies de chacun n’ont plus de secrets pour personne au sein de cette équipe.
– Non, c’est vrai, dit Raynar.
Pourtant, en attrapant sa propre combinaison, Raynar dut lutter pour masquer sa déception. Eryl avait peut-être un ou deux ans de plus que lui, mais se faire traiter de « petit bonhomme » lui avait remis les idées à l’endroit quant à l’impression erronée qu’il s’était faite de leur relation.
Tekli releva la tête, à quelques couchettes de là dans le dortoir, la fourrure brune en bataille et les yeux gris pétillant de malice. Elle boucla son harnais d’équipement de survie.
– Bien dormi ? demanda-t-elle.
– Oui, très bien, répondit Raynar. Et toi ?
– Pas mal du tout. (Elle leur adressa un sourire puis haussa brusquement les sourcils. Le vaisseau venait d’être parcouru d’une subtile vibration.) On doit être en train de sortir de l'hyperespace.
Raynar et Tekli se tournèrent ensemble vers Eryl. Celle-ci ferma ses grands yeux verts et invoqua la Force. Elle les rouvrit quelques instants plus tard. Elle avait l’air encore plus jeune et plus innocente qu’auparavant.
– Il faudrait que je voie le champ d’étoile pour en être certaine, mais, oui, je pense que c’est bon, dit-elle. Nous venons d’atteindre Myrkr.